Après deux décennies de conflit, la cour d’appel de Paris a finalement rendu son verdict dans le combat qui opposait Laguiole, ville voisine de Chaudes-Aigues, à un particulier qui avait déposé la marque "Laguiole" pour vendre ses produits.
Un combat judiciaire opposant la ville de Laguiole et la marque "Laguiole"
Pendant 20 ans, la lutte a fait rage entre un village de l’Aveyron et un entrepreneur d’Ile-de-France. Le premier, c’est Laguiole, commune à 30 kilomètres au sud de Chaudes-Aigues en région Occitanie, célèbre dans toute la France – et au-delà – pour ses célèbres couteaux du même nom. Le second, c’est M. Gilbert Szajner, un Val-de-Marnais qui, au début des années 1990, déposait le nom du village pour vendre des couteaux sans rapport avec le village éponyme, mais aussi du linge de maison, des engrais ou même des barbecues. L’entrepreneur accordait aussi, contre redevance, des licences à des entreprises françaises et étrangères qui pouvaient alors commercialiser sous le nom "Laguiole", des produits sans lien aucun avec le village.
Du TGI à la Cour de cassation
Ce dernier pan était, pour la ville de Laguiole, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Comme le rappelle France 3 Occitanie :
[la commune] avait saisi le tribunal de grande instance de Paris en 2010. Celui-ci l'avait déboutée en 2012, jugement confirmé en 2014 en appel. Mais en 2016, la Cour de cassation avait cassé en partie la décision de 2014.
Une stratégie "visant à priver la commune et ses administrés de l’usage du nom Laguiole"
La Justice aura finalement tranché en faveur de la ville. Pour elle, exploiter le nom Laguiole comme l’a fait M. Szajner revient à "induire en erreur le consommateur moyen en lui faisant croire que ces produits étaient originaires de ladite commune". Les juges ont également dénoncé une "fraude" doublée d’une "stratégie visant à priver la commune et ses administrés de l’usage du nom Laguiole".
50 000 euros octroyés au titre du préjudice moral subi par la ville
Vincent Alazard, maire de la ville, n’a pas fait secret de son enthousiasme à la suite de la décision de la cour d’appel de Paris. "Les Laguiolais vont pouvoir déposer le nom Laguiole", ce qui va permettre de "relocaliser de l’activité" dans le village "en développant des produits autour de notre identité", s’est réjoui l’élu. Cerise sur le gâteau : M. Szajner, son fils et leur société Laguiole devront verser solidairement 50 000 euros au village au titre de son préjudice moral, et chacun 20 000 euros au titre des frais de justice. Une compensation qui, si elle a le mérite d’exister, est loin des 5 millions demandés par la ville.
Laguiole et Chaudes-Aigues : la défense de l’Aubrac et d’identités propres
Je suis heureux que Laguiole soit sortie victorieuse de près de 20 années de conflit judiciaire, pour une cause que j’estime juste. Mon propre nom de famille et le village dans lequel je réside – celui de mes ancêtres – est l’illustration de l’attachement que je porte aux questions d’identité et de rattachement à un lieu. Laguiole est aussi, pour moi comme pour tant d’autres, l’illustration de l’excellence artisanale. Ce savoir-faire m’avait inspiré pour la création du couteau Chaudesaigues, fabriqué dans la ville-même de Laguiole. Une façon de dresser un pont entre deux villages partageant des points communs forts : l’Aubrac, et la défense année après année d’un patrimoine unique.