Le 27 juillet 2016, une énième information infondée sur le tatouage en couleur s’est invitée dans les médias français. Sur son site internet, BFM TV publiait un article titré Les tatouages pourraient provoquer le cancer de la peau, surtout une couleur. Si cette grossière contre-vérité a été immédiatement dénoncée par l’association Tatouage & Partage, elle n’en demeure pas moins symptomatique de la recrudescence de fausses rumeurs qui circulent depuis quelques années sur le tatouage… et qui n’est pas sans causer de tort à la profession.
Le contexte
Dans sa publication, BFM TV relaie un article du Daily Mail – un tabloïd conservateur distribué au Royaume-Uni – selon lequel l’Agence européenne des produits chimiques s’apprêterait, je cite, "à publier les conclusions de recherches menées sur [certaines encres soupçonnées d’être toxiques], et pourrait limiter, voire bannir l’usage de plusieurs substances".
Une version différente lue sur la page Facebook officielle de l’ECHA
Avec l'aide du dermatologue Nicolas Kluger, Tatouage & Partage a tenu à vérifier les "informations" avancées par l’article. Il n’aura pas fallu longtemps à l’association pour trouver, sur la page officielle de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA en anglais), une version légèrement différente des faits… et surtout, moins alarmiste. Si l’ECHA a bien été mandatée par la Commission européenne pour étudier au cas par cas les ingrédients de tattoo suspectés de provoquer des effets indésirables, les résultats de cette étude ne seront connus que dans plusieurs années. De plus, et de façon encore plus importante, l’étude n’ambitionne en rien de prohiber certaines encres, mais simplement d’écarter des composés jugés à risque.
Le tatouage, ou la ritournelle de la peur…
L’affaire évoque des souvenirs ? Normal : c’était en 2013 et j’étais déjà aux premières loges, avec l’association Tatouage & Partage, pour lutter contre une potentielle interdiction des encres couleurs. Un combat parmi des centaines menés à travers le monde pour la défense du tatouage. Car c’est bien de cela qu’il s’agit une fois de plus : le tatouage plait, le tatouage intrigue, séduit un nombre croissant d’hommes et de femmes… alors on l’attaque.
Le tatouage fragilisé de l’Extrême-Orient jusqu’en Amérique
L’équation vaut pour la France comme pour les autres pays. Il y a quelques mois, on passait à tabac le premier tatoueur à avoir ouvert un atelier de tattoo en Tunisie. Quelques mois avant, le Japon arrêtait des tatoueurs sous prétexte que ceux-là exerçaient leur profession sans diplôme de médecine. Avant cela encore, l’État de New York se penchait sur le bannissement de caps pourtant communs et réputés sans danger. Et je ne vous parle là que de l’actualité des douze derniers mois…
À nous, acteurs du tatouage, d’être vigilants
La récente actualité du tatouage met en lumière un paradoxe : démocratisation ne veut pas nécessairement dire tolérance. Aujourd’hui, 20 % des 25 à 34 ans de France seraient tatoués ; le New York Times avançait, de son côté, que 23 % des Américains arboreraient au moins un tattoo. Pourtant, le tatouage montre encore des signes de fragilité. C’est notre rôle à nous, tatoueurs et tatoueuses, tatoué(e)s et simples amateurs de liberté, que de rester vigilants pour confondre ceux qui, plus que jamais, veulent la peau du tatouage.