Quelle explication scientifique donner au fait que Chaudes-Aigues jouisse des eaux naturellement les plus chaudes de toute l’Europe ? D’où vient cette manne bleue qui a fait de la commune l’unique station thermale du Cantal ? Au mois de juillet 2020, France 3 Auvergne-Rhône-Alpes a livré une foisonnante réponse.
Un phénomène « naturel et insolite »
82 degrés et 32 sources pour un village d’à peine plus de 50 km2 : ces mensurations, uniques en leur genre, sont celles de la belle Chaudes-Aigues, située comme le rappelle France 3 « entre Monts du Cantal et Aubrac ». Pour expliquer ce phénomène « naturel et insolite » – les bouillonnements qui agitent les entrailles du village –, la chaîne de télévision régionale s’est rapprochée de deux experts : Isabelle Medeiros, agent d’accueil au musée Géothermia de la ville, et Jean-Pierre Couturié, maître de conférences honoraire à l’université de Clermont-Auvergne et ancien membre du Laboratoire Magmas et Volcans.
La première rappelle le caractère pluriséculaire de cet or bleu. « Il s’agit d’une eau millénaire qui jaillit », retrace-t-elle, avant de répertorier les différentes sources de la commune. « Il y a au total à Chaudes-Aigues 32 sources [qui] se répartissent en deux phases. Il y a l’émergence du Ban, avec 4 sources. L’une chauffe une piscine d’hôtel, l’autre dessert le lavoir d’eau chaude. Il y a une émergence principale, l’émergence du Par. C’est ici que jaillit la source la plus chaude d’Europe à 82 degrés, avec un débit de 5 000 hectolitres par 24 heures ».
Un plateau granitique haut perché
Ce don naturel, inégalé sur le Vieux Continent, voit se conjuguer plusieurs facteurs scientifiques, à commencer par la localisation même du village. « Chaudes-Aigues est une petite ville installée au fond d’une vallée, la vallée du Remontalou », resitue Jean-Pierre Couturié. « La station thermale est à 750 mètres d’altitude. On est entre le massif volcanique du Cantal et le plateau de l’Aubrac. Ce plateau granitique est à plus de 1 000 mètres d'altitude ».
« Chaudes-Aigues se trouve dans l’enveloppe du granite constituée par des gneiss, une roche métamorphique schisteuse », poursuit l’expert. « Le granite de la Margeride est vieux de 320 millions d’années. À l’époque, il y avait un très grand massif montagneux. Les eaux de Chaudes-Aigues sortent par des fractures, au fond de la vallée, liées à des filons de microgranite. Il y a des sortes de conduits verticaux qui permettent la remontée de l’eau ».
Des bains médiévaux au thermalisme moderne
Le maître de conférences clermontois rappelle à son tour le caractère ancestral des eaux caldaguèses. « Depuis le Moyen Âge et sans doute à l’époque romaine, les gens étaient émerveillés par cette eau chaude qui sortait. Le nom de la ville vient de là. Au Moyen Âge, il y avait déjà une sorte de station thermale, avec des piscines et des bains ».
Pour comprendre d’où vient cette eau chaude, il faut remontrer à plus d’un kilomètre au-dessus du niveau de la mer. « L’eau s’infiltre sur le plateau granitique, à plus de 1 000 mètres d’altitude », explique M. Couturié. « Elle circule dans des failles, dans des fractures et elle descend très profondément, c’est pourquoi elle se réchauffe ». En effet, en la matière, chaque centaine de mètres compte ! « Elle va descendre à plus de 2,5 kilomètres environ. En descendant, elle gagne environ 30 degrés par kilomètre. Ensuite, elle va remonter à l’aplomb de Chaudes-Aigues par des fractures verticales ».
L’obstruction des canalisations du chauffage urbain
Chaudes-Aigues est-elle au Cantal ce que San Pellegrino est à la province de Bergame ? « Les fractures servent à la descente de l’eau, mais il s’agit d’une eau gazeuse », dévoile le scientifique. « Ce gaz carbonique vient de beaucoup plus profond, environ 50 kilomètres. ll vient du manteau, situé sous la croûte terrestre. Ce gaz rencontre l’eau en remontant et il est très soluble dans l’eau ».
Mais ces bulles ont leurs défauts : « Ce faisant, il rend l’eau acide et donne de l’acide carbonique qui va attaquer la roche pour former les sels minéraux, ici un gramme par litre. Il s’agit essentiellement de bicarbonate de sodium provenant de la destruction des feldspaths sodo-calciques du granite et aussi d’un peu de bicarbonate de calcium responsable de l’obstruction des canalisations du chauffage urbain qu’il fallait remplacer tous les deux ou trois ans. L’eau minérale est en quelque sorte une infusion de granite ».
Les eaux chaudes naturelles de Chaudes-Aigues sont là pour durer
« Chaudes-Aigues, c’est une bouillotte sous un édredon », s’amuse Jean-Pierre Couturié. « La source de chaleur de la Terre vient essentiellement de la radioactivité des roches. Environ 70 % de la chaleur terrestre provient de cette radioactivité de l’uranium, du thorium et du potassium. L’eau qui circule dans ces roches se réchauffe ainsi ».
Pour le maître de conférences, « les gneiss forment l’édredon » et isolent la chaleur du granite. « Ça contribue à protéger la chaleur de Chaudes-Aigues », révèle-t-il. Un miracle qui est loin d’avoir dit son dernier mot. « Le phénomène dure depuis des milliers d’années [et] continuera tant qu’il y aura une différence d’altitude importante entre le haut du plateau et le fond de la vallée : l’eau pourra descendre et remonter après s’être réchauffée ». À moins de colossaux séismes, « il n’y a aucune raison que ça s’arrête », conclue le spécialiste.
Le secret des eaux chaudes caldaguèses : accéder aux explications complètes
L’article complet de Catherine Lopes intitulé « Cantal : découvrez le secret des sources chaudes de Chaudes-Aigues » est disponible en intégralité sur le site officiel de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes.
Photographie : Jean-Pierre Couturié