J’ai toujours été fasciné par ces marques bleues sur le corps, celles là mêmes qui ressemblaient à des tâches.
Déjà dans mon entourage petit enfant, elles semblaient chargées d’une histoire qui s’inscrivait dans le non dit.
Impossible d’en savoir plus sur ces marques sales, qui souvent renvoyaient à une forme de pénitence, de repentir mais aussi au milieu carcéral et forcément à un passé que l’on voulait parfois effacer.
Quarante années ont passé, depuis la découverte de cette tête de cheval, bleue plus que noire, tatouée sur l’avant bras d’un de mes grands oncles.
L’armée, la guerre, la prison, les camps, une autre vie qu’il ne me racontera pas, les hommes de cette époque ne parlent pas aux enfants.
Mais mon imagination de petit enfant, avait matière pour me porter dans l’illusion, de moi-même un jour porter des tatouages.
Je serais sans doute fort comme mon grand oncle, quand je serais grand, et j’aurais moi aussi quelques secrets à cacher derrière un peu d’encre.
Le temps a passé, cette fascination pour le tatouage et ce qu’il véhicule ne m’a pas quitté.
Aujourd’hui encore et depuis presque trente ans que je les fabrique.
J’ai essayé d’y apporter un peu plus de sensibilité, d’harmonie et un concept parfois plus artistique.
Le tatouage aujourd’hui est mieux accepté dans notre société et pourrait nous donner l’impression d’une certaine dérive.
Ce que je pourrais en dire maintenant, alors que je porte mon premier tattoo depuis mes onze ans, c’est qu’il reste subjectif et personnel.
Le beau, l’artistique, le conceptuel ne pourra jamais remplacer le symbole, qui lui, restera tout puissant.
Un tatouage n’a pas besoin d’être beau, pour remplir sa fonction, fonction qui nous ramène bien au besoin de la marque nécessaire dans sa chaire.