TERRE ! SAVEURS / GOURMET & GLOUTON
Si nous ne manquons jamais une occasion d’aller à Chaudes-Aigues, nous avons désormais une nouvelle bonne raison.
Ouvert le 1er juin dernier, un établissement pour le moins singulier anime les ruelles du village : Gourmet & Glouton.
Une adresse hybride où le charme des salons de thé se mêle à l’authenticité des brasseries et à l’esthétisme du tatouage. Née de l’imaginaire de Stéphane Chaudesaigues, tatoueur mondialement connu, cette cantine canaille est un véritable voyage dans le temps où joie de vivre rime avec gastronomie.
Texte Photos Mathilde Forgereau Nicolas Anglade.
Vieille canaille
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Alors que nous nous frayons un chemin dans l’ombre de la petite rue Notre-Dame-d’Août, rasant les murs en pierre en cette journée caniculaire, notre regard se pose sur une imposante devanture rouge.
Là, inscrite en lettres d’or, brille l’enseigne « Gourmet & Glouton, Salon de thé, Cantine canaille, Atelier de tatouage ».
Il n’en fallut pas plus pour attirer notre attention. Intrigués, nous pénétrons dans le mystérieux établissement, accueillis à bras ouverts et tout de tatouages vêtus par Stéphane Chaudesaigues.
Un nom qui ne manque pas de faire sourire tant il semble porté sur mesure ! Car c’est bien à Chaudes-Aigues, mythique village du même nom, que Stéphane a regagné ses pénates avec son épouse Cécile il y a 13 ans.
Fondateur du renommé festival de tatouage le Cantal Ink et tatoueur de profession, cet homme ici connu comme le loup blanc a ajouté le 1er juin dernier une nouvelle corde à son arc : la restauration.
À la fois brasserie et salon de thé, café-concert et studio de tatouage, Gourmet & Glouton est une adresse des plus insolites à l’image de la créativité débordante de son propriétaire.
« Je souhaitais avoir un lieu de vie où créer les événements qu’on veut, recevoir les gens qu’on aime, faire des rencontres...», décrit-il. Dans ce décor inspiré des brasseries parisiennes, le temps semble suspendu. Cartes à l’ardoise, affiches vintage et autres curiosités...
Notre regard ne peut s’empêcher de s’arrêter sur chaque objet soigneusement disposé. « Ce réverbère vient de la Place de la Bastille ! Il en a vu ! », s’exclame le collectionneur, nous surprenant en pleine contemplation face à cet imposant mobilier qui trône dans la salle.
Hommage à tous nos ancêtres, chaque détail est un clin d’œil au siècle passé. « Nous avons porté ce projet comme un scénario, un poème, une peinture, un chef-d’œuvre ! », s’exclame-t-il.
L’histoire de Gourmet & Glouton, c’est l’histoire de tous ces Auvergnats rejoignant la capitale pour leur fortune. L'un, Gourmet, partait à Paris à la recherche d’une vie meilleure tandis que l’autre, Glouton, restait à la ferme, laquelle alimentait la brasserie de son frère.
« C’est ce qui s’est passé dans nos familles. Mes arrière-grands-pères et grand-mère tenaient des bistrots. C’est ainsi que, quatre générations plus tard, je reviens sur ce territoire avec l’ambition de ramener au pays un peu de cette richesse parisienne, celle qui faisait rêver et portait tous les espoirs », raconte Stéphane, un brin ému.
Comme tous ces Auvergnats immigrés loin de leur pays, lui aussi ne rêvait que d’une chose : revenir à Chaudes-Aigues.
Mettant son désir à exécution, le tatoueur rachète l’immeuble qui s’effondrait et rebâtit alors les murs et l’histoire familiale. « Le lieu, le nom... C’est identitaire, comme une forme d’inconscient transgénérationnel.
Je pense qu’il fallait que je revienne pour ma famille et pour moi », médite-t-il.
Avec Gourmet & Glouton, Stéphane Chaudesaigues a créé un lieu à son image et à son histoire. Du sol au plafond, Stéphane a entièrement rénové l'établissement, ne gardant que les murs.
Gourmet & Glouton, c’est l’histoire de tous ces Auvergnats rejoignant la capitale pour leur fortune. Cantine canaille Unique en son genre, cette adresse ne passe pas inaperçue.
Pour son cadre, vous l’aurez compris, mais aussi pour sa fameuse cuisine canaille. Truffade, aligot, chou farci, pot-au-feu, viande d’Aubrac...
Autant de bons petits plats qui nous régalent autant qu’ils nous réchauffent. Cuisinée avec le cœur, celle que l’on nommait cuisine canaille (signifiant à l’origine « cuisine de chien », préparée avec les moyens du bord) rappelle les cantines ouvrières.
Emblème de la cuisine populaire, ces recettes simples incarnent aujourd’hui un retour à l’authenticité et à la convivialité.
Au temps où l’on aimait se retrouver autour de bons plats mijotés. « Les assiettes reviennent toujours vides ! », s’étonne encore Loïc, le manager, tout droit venu d’Avignon.
« C’est une autre façon de travailler ici. Les gens viennent pour manger, de l’entrée au digestif ! Ça fait 15 ans que je n’avais pas vu ça, ça fait plaisir ! », s’exclame-t-il avec son accent chantant.
De belles et grandes tablées, une ambiance festive et chaleureuse, des petits plats aussi gourmets que gloutons... Que demander de plus ? « Je voulais également développer un pôle culturel et artistique au village avec des expositions, de la musique et du théâtre », décrit Stéphane.
Véritable lieu de rencontre et de partage, l’établissement est la scène de nombreux événements. Jazz and blues, swing and rock... Le restaurant voit défiler de nombreux artistes !
Mais lorsque la salle bat son plein, le petit salon bleu offre un doux refuge à ceux qui chercheraient plus de calme et de sérénité. « Le but est que les gens se sentent chez eux dans un lieu hors norme et un peu fou », déclare notre hôte en nous menant à l’étage.
À peine entrés dans ce boudoir Belle Époque arrangé de fauteuils de velours, sculptures et tables en marbre, la voix pénétrante de Léonard Cohen nous enveloppe. Nous n’avons qu’une envie : nous délecter d’une tasse de thé accompagnée d’une douceur dans l’atmosphère enchanteresse de ce petit cocon...
De fil en aiguille Si nous allions de surprise en surprise, celle-ci ne manque pas son effet. Au-dessus de la salle du restaurant se niche la tanière de notre hôte : l’atelier de tatouage.
« En installant mon studio ici, je souhaitais enrichir ce lieu d’une culture qui est la mienne », décrit Stéphane, dévoilant sa pièce au milieu de laquelle siège un sublime fauteuil de barbier des années 1940.
Des projets plein la tête, le tatoueur prévoit déjà de déménager son studio au deuxième étage afin d’ouvrir ici une seconde salle de restaurant et un salon. Mais la priorité pour l’heure : survivre à l’hiver rigoureux.
Quand arrive le froid de novembre, les rues se désertent, les restaurants plient boutique.
« C'est un cercle vicieux : les gens pensent qu’il n’y a personne en hiver et sont habitués à ce que tout soit fermé.
Mais nous ne sommes pas n’importe où », affirme notre hôte, convaincu du potentiel de ce village aux eaux les plus chaudes d’Europe.
Alors si l’envie vous prenait d’aller roder du côté de Chaudes-Aigues, peut-être trouverez-vous refuge là où les clameurs et les rires fendent la brise, là où la bonne humeur de notre cher Gourmet se mêle délicieusement aux petits plats de notre bon Glouton.
Grand collectionneur, Stéphane prête une attention toute particulière à chaque détail.
L’ENCRE DANS LA PEAU
Mondialement reconnu pour son incroyable talent, nombreux sont ceux à être passés sous les aiguilles de Stéphane Chaudesaigues.
Il faut dire que le tatoueur a l’encre qui coule dans les veines. « J’ai grandi entouré d’hommes tatoués. Enfant, c’était comme un costume de super-héros pour moi », confie-t-il.
À l’heure où la profession était encore montrée du doigt et ne comptait qu’une centaine de tatoueurs, Stéphane a marqué de son sceau son temps et les peaux, lui valant d’être auréolé artiste tatoueur de l’année aux États-Unis par la National Tattoo Association en 1995 !
Après 40 ans d’exercice et une trentaine d’affaires, notamment à Versailles, en Avignon et dans le sud-est, il est aujourd’hui un acteur majeur du tatouage en France.
Spécialisé dans le portrait et le réalisme, il transcende les frontières techniques et artistiques et fait naître de ses mains de véritables œuvres d’art.
Son studio Graphicaderme, ouvert à Chaudes-Aigues en 2013, voit défiler des artistes du monde entier. Sans compter le mythique festival Cantal Ink qui réunissait près de 10 000 visiteurs chaque année.
Placé sous le signe de l’échange et de l’apprentissage, son atelier relocalisé au sein de Gourmet & Glouton est également le foyer de séminaires professionnels réunissant des célébrités des quatre coins du globe.
L’occasion de transmettre sa passion, tout comme Stéphane a su la léguer à ses trois enfants Steven, Wesley et Tamara. La légende raconte même que notre tatoueur envisagerait de relancer le festival Cantal Ink...
LA TARTE AUX MYRTILLES
Nous connaissons tous la tarte aux myrtilles, bien-aimée de nos contrées. Mais ça, c’était avant. Avant d’avoir goûté la renversante tarte aux myrtilles de Cécile dont la recette lui vient tout droit de ses montagnes, les Alpes suisses.
Héritée d’une femme chère à son cœur, qui lui a dévoilé ses secrets lorsqu’elle était enfant, cette incroyable recette fait aujourd’hui le succès de Gourmet & Glouton.
INGRÉDIENTS
• 300 g de myrtilles
• 80 g de beurre
• 160 g de farine
• 60 g de sucre
• 1 œuf
• 1/2 c. c de cannelle
• 1/2 cuillère à café de sel
• 80 g de crème fraîche
• 60 g de sucre
• 2 œufs
PRÉPARATION
1. Préparer la pâte sablée en travaillant l’œuf entier avec le sucre et le sel.
2. Ajouter la farine en bloc, la cannelle et le beurre pour obtenir une pâte.
3. Laisser reposer au frais pendant une heure.
4. Étaler la pâte et la foncer dans un moule beurré.
5. Précuire à blanc pendant 25 minutes à 180°C.
6. Cuire les myrtilles avec le sucre pendant 5 minutes, puis les égoutter.
7. Pendant ce temps, préparer la crème à flan en mélangeant les deux œufs, le sucre et la crème.
8. Garnir le fond de tarte avec les myrtilles.
9. Verser la crème à flan.
10. Terminer la cuisson au four doux pendant 20 minutes à 150°C.
11. Dégustez la tarte aux myrtilles une fois refroidie, accompagnée d’une double crème en provenance de Gruyère ou d’une chantilly maison.